Œuvres en verre
Le jardin de l’invisible
« L’exposition intitulée Le jardin de l’Invisible de Chantal Legendre, nous appelle à un voyage qui commence à ce seuil, apparemment infranchissable et cependant déjà franchi.
Voyage parsemé d’embûches car le premier seuil à franchir est également le dernier à atteindre. En effet comment voir l’invisible et accéder à l’univers intérieur si l’on est prédisposé à le faire ? Comment le regard habitué à l’ombre peut-il supporter une lumière aussi éblouissante ? Qu’est ce qui nous prédispose à faire ce voyage ? Seul le rêve issu de la nécessité intérieure permet l’accès à ces images qui voilent, cachent et ne se décryptent d’elles-mêmes que si elles sont vues de l’intérieur. Cela demande un réveil du regard pour traduire l’invisible, capter le débordement de l’intérieur vers l’extérieur. Exigence intime et profonde, condition sine qua non à la vision, sans laquelle tout serait sinon cécité, du moins grande nuée. C’est dans la terre profonde de l’artiste que la métamorphose salvatrice a eu lieu.
Il lui a fallu rêver, méditer, converser avec les étoiles, aller et venir, se retirer et réapparaître, contempler les nuages, changer de regard, se taire pour mieux nous dire le secret de ce rêve, pareille en cela à ces devins pour qui tout est signe. La tombée d’une feuille, le vol d’un oiseau, la direction d’un regard, le sens d’un mot, l’entrelacement de deux corps. Tout a un sens, toujours harmonie. Tout est porteur de message, caché ou apparent, toujours issu de la nécessité intérieure. Point de faille, jamais d’insignifiance.
L’invitation au jardin est un rêve concomitant, conviant le voyageur à franchir le seuil et à avancer sur la voie les yeux fermés le cœur grand ouvert. Dès lors il sera guidé par l’artiste elle-même vêtue d’un habit de lumière et d’un fragment d’univers. A chacun de ses pas une graine est semée, un fruit apparaît sitôt. »
Extrait de Le jardin de l’Invisible par Chantal Legendre Chanath dans l’ouvrage
Sur les chemins d’Ispahan, savoir et médecine entre Orient et Occident de Touria Ikbal,
Saint-Antoine-l’Abbaye, Isère, 2006.
Mémoire d’eau
« C’est ainsi que Chantal Legendre sculpte amoureusement son désir, sa révolte, sa joie, sa douleur sur du verre. Matériau fabuleux car loin d’être lisse et fragile comme le suggère son apparence, il demande un travail initiateur pour s’apprêter à cette alchimie transformatrice équivalente à l’expérience mystique. Sa transparence le dispose à capter la lumière, suivant les heures de la journée et à refléter une représentation chaque fois renouvelée, à l’image de l’âme intérieure jamais inerte.
Des images qui muent, se transforment et se renouvellent en fonction du regard posé sur elles car elles prennent leur forme et leur sens de leur nécessité intérieure. Telles un miroir, elles renvoient à chaque regard sa propre essence. Aussi, chaque tableau est unique et pluriel à la fois. Il n’est jamais le même car il invite chacun à revisiter sa dimension cachée dans le tréfonds de ses ténèbres.
Des images qui dissimulent plus qu’elles ne dévoilent car, comme des trésors cachés, elles ne s’ouvrent que sous l’effet du l’œil vif et éveillé en mesure de traduire l’invisible, de capter le rayon débordant de l’intérieur vers l’extérieur.
Les couleurs des vitraux revêtent une apparence singulière et rompent diamétralement avec la manière habituelle dont elles sont façonnées par la mémoire. Empruntant à l’eau et la lumière le secret de leur existence, elles créent leurs entités potentielles dans l’enceinte de l’inconnu où réside toute une vie. Aussi, plus affective que décorative, la couleur apparaît-elle dans les tableaux de Chantal Legendre comme une unité émotionnelle qui se métamorphose en masses n’éprouvant nullement le besoin d’épouser une réalité figurative.
Des masses qui coulent à flot sur des surfaces en verre et prennent leurs formes des traits qui les font naître dans l’imagination de l’artiste. Une imagination débordante et créatrice qui s’acharne à garder intacte la part du rêve, à lutter contre la médiocrité et l’indifférence et à délivrer le monde de l’emprise d’une réalité pauvrement pesante qui cherche à le désenchanter. C’est d’ailleurs de la sorte que l’artiste conçoit son travail artistique, un don de l’imaginaire qu’elle met humblement et généreusement à la disposition de l’autre….
Nous sommes face à une dynamique chromatique et une technique artistique qui cherche à puiser ses possibilités infinies dans la réserve imaginale de l’artiste et dans sa quête inlassable du beau, du vrai, de l’harmonieux et du subtil. Loin de toute préoccupation d’école ou de tendance de mode, Chantal Legendre continue son chemin armée d’une extrême maîtrise de ses moyens, d’une entière disponibilité aux sensations nouvelles, aux différents signes apparents soient-ils ou cachés ainsi qu’aux résonances qu’ils suscitent en elle tant sur le plan de la contemplation, de la méditation que de la réalisation.
L’œuvre de Chantal Legendre nous transporte dans une sphère où l’âme coexiste avec le corps, la raison avec ce qui la nie, la finitude de la mort avec l’horizon de la résurrection et où le cœur et l’imagination, portés par la force transfiguratrice de l’amour, deviennent des sens véritables.
Une vraie réjouissance sensuelle et spirituelle, à qui sait voir l’apparent dans l’invisible et répondre activement à son appel. »
Extrait de Mémoires d’eau, miroirs du cœur, par Touria Ikbal (écrivaine marocaine),
préface de la revue Mémoires d’eau qui réunit les tableaux de verre de Chantal Legendre (Chanath)
et les écrits de 46 poètes 11 pays de 4 continents / éditeur : Maison de la Poésie Rhône-Alpes, 2006.